Projet de péage urbain à Genève - La position du GTE

La NODE adhère aux propos de Monsieur Henri-Pierre Galletti, Membre du Comité du GTE (Groupement Transports et Economie), au sujet du projet de péage urbain à Genève et a le plaisir de vous les relayer ici dans leur intégralité :

« Projet de péage urbain à Genève : une « usine à gaz » inadaptée et antisociale

30 avril 2015. Les milieux anti-mobilité individuelle à Genève lancent une nouvelle offensive, au travers d’une demande de crédit d’étude préliminaire de 108’000 francs visant l’instauration d’un péage urbain, ainsi qu’à l’affectation de ses recettes aux transports publics. Les arguments ne manquent pas pour dénoncer cette bien mauvaise idée : antisociale, économiquement très discutable, juridiquement hors de propos, politiquement déplacée. Le tout dans une logique de transfert de coûts de la route vers les transports publics qui n’a aujourd’hui plus de sens, au vu des récentes clarifications fédérales en la matière. Le parlement fédéral a quant à lui déjà eu l’occasion d’exprimer clairement son opposition au principe des péages urbains en Suisse. On assiste donc à une nouvelle « genevoiserie » bien malvenue à laquelle le GTE s’oppose.

L’obstacle est d’abord juridique : la législation helvétique ne permet actuellement pas un tel montage. Et il semble clair que politiquement, le dossier n’aurait quasiment aucune chance de passer la rampe, si ce n’est éventuellement dans le cadre du financement direct d’une infrastructure spécifique. Il est intéressant de noter à ce sujet que la seule exception à ce jour concerne le tunnel du Grand Saint-Bernard, dans un cadre bien particulier puisque celui-ci se situe partiellement sur territoire italien, où le principe des péages est très répandu. Une littérature abondante existe déjà sur la question ; en outre, la Confédération a annoncé la publication en 2015 d’un rapport supplémentaire sur le « Mobility pricing ». Il est donc logique d’attendre les conclusions fédérales plutôt que de lancer une nouvelle tentative à Genève qui reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs et surtout à gaspiller l’argent public.

Economiquement parlant, les exemples ne manquent pas pour démontrer le peu d’intérêt que représentent de telles solutions. Parce que l’idée en soi n’est pas nouvelle, tant s’en faut : plusieurs villes, en particulier européennes s’y sont essayées. Avec des conclusions globalement décevantes.
A Stockholm par exemple, qui est une ville de taille relativement comparable à celle de l’agglomération genevoise, la mise en place du péage a coûté la bagatelle de 212 millions de francs d’investissements. Il est en outre aujourd’hui établi que 53% des recettes servent uniquement à couvrir les frais d’exploitation. Enfin, selon la revue Transports ainsi qu’une étude de l’Université de Lyon, la perte économique globale de l’opération se situerait entre 55 et 183 millions par an.

A Londres, le sondage mené par les autorités londoniennes en 2008 a fait ressortir que la majorité des répondants souhaitait l’abolition du système dit de « congestion charge ». Et bien que les autorités concluent à une absence d’impact négatif pour les grandes structures économiques, les analyses menées auprès des PME par la Chambre de commerce de Londres ainsi que par la Fédération of Small Businesses témoignent d’un fort recul de fréquentation des clients pour les petites entreprises et les commerces de taille moyenne.
Traduites à la réalité genevoise, ces conclusions londoniennes laissent entrevoir deux conséquences notables : il y a d’abord l’effet probable d’encouragement aux commerces de se déplacer en périphérie, ainsi qu’un effet encore accru du tourisme d’achat en France voisine.

Pour conclure, il est également utile de rappeler qu’en Suisse, le transport individuel motorisé verse déjà plus de 10 milliards de francs par an en impôts et taxes diverses et qu’une partie notable de ces montants est déjà affectée aux infrastructures de transports publics, dans le cadre d’un financement croisé visant notamment à alimenter le fonds d’infrastructures ferroviaires (FAIF).

Les auteurs du projet de loi genevois font donc de toute évidence fausse route, ce d’autant que pour réduire notablement le volume de trafic au centre-ville via un péage urbain, il n’y a pas mille solutions : il faut que celui-ci soit cher ; qu’il soit donc antisocial. Et si le but ultime de la manœuvre consiste à réduire le nombre de véhicules en ville, il existe un moyen bien plus efficace : créer une infrastructure crédible permettant aux usagers de contourner le centre. Une traversée du lac, en somme.

Henri-Pierre Galletti, Membre du Comité  »
Actualité GTE du 30 avril 2015
NODE AdminNODE